PAGE D’ENTRÉE- 2014

mes caricatures de la semaine
Album : mes caricatures de la semaine
publiées de manière inégales voici les caricatures qui ont orné ce site
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Anecdote de coopération (la dernière parue)

Une partie de billard à $50 000

A compter de janvier 1975 je devins responsable du programme bilatéral au Sahel. A cette époque un directeur de programmes disposait de pouvoirs très étendus qui n’ont rien à voir avec « l’autorité d’obéissance » en cours actuellement. Les bureaux de consultants, principalement les firmes d’ingénieurs invitaient au restaurant les directeurs de programme afin de connaitre ce qui se préparait et qui pourraient leur valoir de riches contrats. En effet, à cette époque, les programmes bilatéraux étaient largement constitués d’importants travaux d’infrastructures: routes, barrages, ponts, écoles et centre de santé. Il y avait au Sahel la construction du plus long faisceau hertzien jamais construit, le Panaftel. On y construirait 54 relais de Dakar au Sénégal, au Mali, Burkina Faso, Niger et aboutissant au Bénin.

Si je l’avais voulu j’aurais mangé chaque midi dans les meilleurs restaurants d’Ottawa aux frais de ces firmes. Mais je n’aimais pas cette situation de dépendance d’autant plus que je n’avais aucun budget qui m’aurait permis de remettre la politesse et d’équilibrer les choses en quelques sortes. Je décidai donc d’aller jouer au snooker chaque midi et j’y mangeais un modeste chili con carne tout en poursuivant ma partie. Parfois je jouais avec un collègue, mais la plupart du temps je me pratiquais en solo. Quelques représentants de firmes plus astucieux décidèrent de m’y retrouver et de jouer une partie de snooker contre moi. On pariait le prix du repas, genre $1.85 en guise de stimulant. Bien entendu, on me laissait gagner ce qui m’ennuyait quelque peu.

Un jour Jean Gauvin, alors président de la firme Hydrogéo m’y retrouva avec l’intention de négocier les frais finaux du contrat de construction de puits au Niger.

Ouvrons donc une parenthèse qui permettra de comprendre l’enjeu de la partie. Au cours des années 60-70 le Sahel fut frappé d’une longue sècheresse qui dura 8 ans, décima les troupeaux et plus de 250,000 personnes perdirent la vie, faute d’eau et de vivres. En conséquence le programme du Sahel créé par Paul Gérin-Lajoie s’engagea dans la construction de routes de désertes afin de secourir les populations éloignées et un projet de construction de 64 puits dits « d’urgences » fut lancé sur les chapeaux de roues. Un contrat fut accordé à la firme Hydrogéo et afin d’inciter celle-ci à tout faire le plus vite possible (il était question de sauver des vies) le contrat fut structuré de manière unique. On ne rembourserait que les frais encourus mais sans la marge traditionnelle de profit si les 50 premiers puits n’étaient pas construits dans l’année. Dans le cas contraire un bénéfice exceptionnel de $1000 par puits creusé serait alors accordé. La firme s’engagea avec diligence, malheureusement le train qui transportait les deux foreuses canadiennes dérailla au nord du Bénin. Néanmoins l’équipe d’Hydrogéo fit du mieux qu’elle pu. On cannibalisa les foreuses pour en reconstruire une avec laquelle on engagea les travaux pendant qu’une autre foreuse était acheminée du Canada. Ceci entraina un retard, bien entendu et la firme aurait du terminer son contrat sans aucun profit malgré tout le bon travail accompli. Je du retourner au Conseil du Trésor (CT) pour expliquer les fondements de cette histoire, réclamer un léger dépassement de couts consécutifs à cet accident et faire agréer une modification concernant l’échéancier afin de nous permettre de payer le bénéfice promis de $1000 par puits. Ce qui fut fait.

Mais l’histoire ne se termine pas là. Le travail était terminé depuis plusieurs mois quand le président du Niger décréta des augmentations de salaires statutaires et «rétroactives». Comme Hydrogéo avait d’autres contrats en cours au Niger la firme fut obligée de se conformer au décret et paya ce qui était du à ses employés. Ceci entraina des frais supplémentaire de près de $50,000 que la firme nous réclama. Il n’y avait plus d’argent dans le budget approuvé par le CT sinon un $25,000 habituel. J’offris donc ce forfait de 25 milles dollars en guise de paiement. Jean Gauvin nous envoya une lettre d’avocats (la firme Colas, une des plus chérante de Montréal) à laquelle nous répondîmes promptement en répétant formellement notre offre. C’est à ce moment que Jean Gauvin se retrouva au Snooker Century Club (angle Spark street et Bank) pour négocier un arrangement final avec moi. Il m’expliqua que Bernard Lamarre président du groupe Lamarre (plus tard affilié à SNC) lui demandait une explication chaque semaine en se demandant si l’ACDI serait mécontente du travail accompli. De mon côté je lui expliquai que retourner au Conseil du Trésor me prendrait un temps fou ce dont je manquais, sans négliger le risque que le CT pourrait dire non . Je proposai alors le pari suivant. S’il gagnait la partie de snooker, je prendrais le temps d’aller chercher le budget; si au contraire je gagnais, alors il accepterait un forfait de $25,000. J’écrirais une lettre expliquant les circonstances et disant notre entière satisfaction du travail accompli.

Je savais que Jean Gauvin se forcerait de jouer au mieux ce jour là…. J’ai gagné, ce qui m’a permis de me vanter d’avoir un jour joué une partie «de $50,000».

Anecdote de vie

Papa est mort ce soir

La mort est un évènement relativement trivial dans la mesure où c’est le lot de tous et chacun. Je ne sais rien de la mort, ni surtout de ce qui se passe après. Tout ce que j’en connais, c’est le chagrin de ceux qui ne meurent pas. Il n’y a rien de sage à dire sur ce sujet sinon qu’on n’a pas d’autre choix que de l’accepter. Certes, mourir dans la nuit après une longue vie constitue une sorte « d’idéal de vivre », mais mourir d’un accident ou d’un cancer demeure un scénario auquel on est accoutumé et qu’on accepte de plus ou moins bonne grâce. Enfin, je connais des gens qui craignent la mort alors que d’autres ont simplement peur de la douleur. Ceci dit, certaines morts prennent un sens et exercent sur nos vies un poids et une lourdeur qui demeurent et nous accompagnent pendant de très longues années.

Aujourd’hui, voilà bientôt 30 ans que mon père n’est plus là. Je pense qu’il est temps que je raconte cette histoire. La mort du père n’est jamais une chose simple, mais le suicide du père demeure la plus compliquée des choses. Un vieux dicton populaire affirme que c’est lors de la mort du parent que l’on devient adulte. Ce soir là, je crois avoir commencé à devenir un adulte, si tant il en est, que les peurs et l’angoisse nous définissent comme adulte.

A cette occasion, j’ai compris le sens profond des cérémonies funéraires. On y reçoit une décharge d’amitié et de solidarité qui permet de vivre son chagrin sans être emporté par celui-ci. Un prêtre nous a dit : « Je vous souhaite la grâce d’accepter.» Ce court énoncé est d’une profondeur insoupçonnée tant qu’on n’a pas vécu semblables circonstances.

Commençons donc par raconter les faits, on verra peut-être plus clair après. Papa a planifié sa mort. C’était pour ainsi dire un geste songé. Charles Guilmette a vécu une vie triste dès son enfance. Pensionnaire  à St-Louis de Gonzague dès l’âge de 4 ans, élevé au sein d’une famille dominée par la chicane, enrôlé volontaire en 1943, il a vécu la bataille de Normandie, de Hollande et la pénétration de l’armée canadienne en Allemagne. Médecin, il a été chargé de s’occuper de la salubrité de quelques camps d’internement nazis. Il en est ressorti profondément marqué: il souffrira à deux reprises de dépressions graves. Ainsi donc, dès l’âge de soixante ans il proposait à ma mère un suicide de couple. Ma mère qui était une survivante acharnée, n’a jamais accepté pareille complicité.

  Un jour d’avril 1986, maman et papa semblent s’être chicanés assez fortement pour que maman insiste pour que ce dernier quitte la maison. Quelques jours plus tard, papa arrive chez-nous à Hull et me remet une petite caisse remplie de bouteille de fines et de cognac en me disant que j’aime tout cela. Chose rarissime, il demande qu’on célèbre son anniversaire (le 9 mai) , ce que l’on fit avec les enfants qui sont alors enchantés de déguster le bon gâteau au chocolat et de le voir souffler tout plein de chandelles. Le lendemain il vient m’accompagner jusqu’au bureau. A l’angle des rues Wellington et St-Rédempteur, je lui dit avec conviction : « Je sais ce que tu feras demain! ». Je suis alors persuadé qu’il va retourner à Montréal où il vivra avec une femme avec laquelle il a amorcé une liaison; enfin c’est ce que je crois alors. Dans les marches de l’ACDI, alors qu’on se quitte, je lui serre la main en disant : « Papa, je ne te l’ai jamais dit, mais je t’aime ». Il me regarde d’un air un peu goguenard et j’entre au bureau comme d’habitude, sans penser à rien. En rétrospective, je me sens infiniment bête de n’avoir rien vu, je dirais plus, je dirais même, que je me sens infiniment con…!

Le lendemain, Marie me rejoint au bureau en me disant que je viens de recevoir une lettre enregistrée de sa part. Je me précipite à la maison et découvre une lettre dans laquelle mon père m’annonce son suicide. Instantanément je m’inquiète: où et comment a-t-il tenté de se suicider? Peut-être s’est-il jeté en bas d’une falaise. Je sais qu’il aimait beaucoup marcher en montagne; le mont St-Hilaire où quelque part dans Charlevoix. J’imagine mon père suspendu par une jambe dans un arbre et j’en suis affligé. Je vais au poste de police de Hull avec la lettre. Les policiers qui me reçoivent sont compréhensifs et me promettent d’envoyer leurs collègues dans les stationnements autour de ces endroits. Vers 2 heures du matin, le téléphone sonne: « Monsieur Guilmette, il y a une voiture de police à votre porte. Veuillez leur ouvrir. » Deux policiers en uniformes m’avisent qu’on a trouvé mon père dans une chambre du Hilton de l’aéroport de Dorval. Au réveil je me précipite à Montréal, j’identifie son corps à la morgue, et je ramène ses effets personnel et sa voiture à Québec où il sera enterré. Au salon funéraire, je suis dévasté et je pleure à chaudes larmes. Ma mère, toujours elle-même, dit à Marie: « Jean aimait vraiment son père? » d’un ton « un quelque peu inquisiteur ». En effet, je l’aimais beaucoup et j’aurais vraiment aimé qu’il connaisse mieux mes enfants.

Encore à ce jour, je rêve régulièrement à lui. En conséquence de ces évènements, je me suis juré de ne jamais me suicider : c’est trop dur pour les survivants qui vous aiment. S’il y a une leçon de vie, c’est celle-là.

Aménager son jardin…c’est possible. J’ai transformé le mien afin d’y mettre plusieurs sculptures. Vous pouvez les voir au 34 rue des Parulines à Hull.

patineuremail.jpg  « Le patineur d’un futur annoncé » matériaux divers

jardinlargeemail.jpg   jardinemail.jpg

Au fond, « l’homme déraciné » matériaux divers, devant personnage sénégalais en pierre

deracine02email.jpg « l’homme déraciné »

bassin02email1.jpg « Oriflamme », calcaire du Névada  bassin01email.jpg

femmeemail.jpg « Celle qui s’appuie sur la lumière »,

jardin05email.jpg Les personnages, jardin arrière   coupleemail.jpg « Pas de deux » épinette bleue

serpentairejardinemail.jpg Serpentaire, bois de plage
2001email.jpg « 2001 …sept ans plus tard » dans un jardin,rue Laurier, Hull

 



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